[Note au crayon d’une autre main : incomplète]

Mon Cher Raphaël,

Je suis bien heureuse d'apprendre que ma recommandation au ministre portera fruit. Je t'aiderai jusqu'au bout de mon crédit de mon affection et même de ma bourse bien que cette dernière soit à mes enfants et j'y dois veiller sagement car l'avenir n'est plus à moi comme au jour où ma santé était florissante. Je vais mieux mais je suis loin d'être rétablie. Si tu dois avoir le théâtre de Lyon je ne te laisserai pas manquer cette affaire, je pourvoirai au premier déboursé quoique le chiffre soit quelque peu élevé et si Dieu me rend quelque force je ne tiendrai nullement à me fatiguer dans les chances d'une entreprise en partage, sous aucun rapport il ne me peut convenir d'être directrice (même cachée pour le public). C'est à la comédie française que je veux finir paisiblement et dignement ma carrière.

Maintenant je ne te cache pas que je serais bien plus aise de te savoir attaché à Paris près de ta famille qui t'aidera toujours efficacement de ses conseils. Une entreprise avec séjour me paraît la meilleure affaire.

Il est inutile que j'ennuie le Ministre de nouveau. Il a eu la bonté de donner quelque poids à ma demande pour toi, il faut maintenant attendre. Il y a d'ailleurs un marché entre lui et moi. Je crois t'avoir parlé du sacrifice de mes congés que je ferai bien volontiers au théâtre français si je peux espérer retrouver jamais assez de force pour songer à des congés lors même que je serais rentrée au théâtre. J'ai été bien contente de ton succès à la Porte Saint-Martin, cela t'a occupé et distrait. J'espère que ta gentille amie est rétablie de ses souffrances et aussi de son chagrin. Moi je vis à Thèbes, je suis aussi bien que possible installée dans la maison de France, espèce de consulat. Je veux m'efforcer de rester ici jusqu'à la fin d'avril à moins que les chaleurs ne se fassent trop fortes, car ne pouvant rentrer à Paris que pendant le véritable été, que ferait-on croire, trop de monde me viendrait voir et je ne puis supporter aucune fatigue, aucune agitation de causerie. Ma faiblesse est toujours grande parce que la fièvre ne veut pas me quitter. Je tousse encore et beaucoup trop et je perds le peu de cheveux que j'ai rapportés de l'Amérique. Tu vois cher Raphaël que ma situation n'a rien ...

Début 1857 (?)