Mon cher Monsieur,

J'espérais chaque pouvoir aller moi-même chez Mademoiselle Rachel. Malheureusement, je n'ai pu le faire ; je suis très souffrant et pour pouvoir jouer le soir je suis obligé de me soigner ce qui me force de renter chez moi aussitôt après ma répétition. En vous écrivant je souffre horriblement de douleurs dans la tête.
Je vais cependant écrire à Madame Rachel au sujet de votre pauvre protégé. Mais pour lui donner une nouvelle lettre en ce moment cela n'avancerait à rien du tout. Voici pourquoi on vient d'ouvrir une souscription dans tous les théâtres en faveur d'un de nos camarades de Lyon. Ce pauvre homme est âgé de soixante-dix ans et vient de perdre tout ce qu'il possédait dans cette malheureuse inondation. Il avait amassé à peu près de quoi vivre après quarante années de travail. Il lui reste ce qu'il lui avait sur le corps. Il s'est sauvé par une fenêtre ainsi que sa pauvre vieille femme. Vous comprenez que les artistes qui vont mettre à cette collecte ce qui leur arrive presque tous les jours seront peu disposés à donner tout de suite à d'autres. Attendons quelques jours. D'autant plus que c'est moi qui ai prié tous les camarades de faire cette nouvelle souscription. On ne verrait que mon nom. Si vous pouviez même obtenir une lettre d'une autre personne cela vaudrait mieux. Je vais toujours écrire à Rachel.

Tout à vous.

Bouffé

Novembre 1840