Paris, le 13 décembre 1861

Mon cher Alexandre,

Les deux lettres que tu m'as écrites m'ont fait plaisir, car elles semblent témoigner d'un sentiment de franchise et de sincérité que j'apprécie avant toute chose ; mais comment faire concorder les assurances qu'elles renferment avec ton escapade préméditée de samedi dernier ? Je veux bien n'y voir que de la légèreté et de la mobilité d'esprit ; quoiqu'il en soit, souviens-toi que pour être traité en homme sérieux, pour avoir droit à l'estime et pour inspirer confiance, il faut être conséquent avec soi-même et mettre ses faits et gestes en harmonie avec ses paroles.

Tu me demandes de te donner plus de liberté et, en abusant de celles que je t'ai accordées, tu me démontres toi-même que tu en as déjà beaucoup trop. C'est là une inconséquence sur laquelle tu ne saurais trop réfléchir.

J'ai vu Monsieur Blanchet. Je l'ai prié de ne te laisser sortir à l'avenir que sur une autorisation signée de ma main. Tu ne sortiras pas dimanche et j'espère que cette privation de sortie suffira pour te faire comprendre le juste mécontentement que ta conduite de la semaine dernière m'a causé.

Mon intention avait été de te priver complètement de sorties pendant quelques semaines et même de t'envoyer à La Flèche si je n'avais pas d'autres moyens de t'empêcher de battre le pavé de Paris. Les bons rapports que Monsieur Blanchet m'a donné sur ta conduite dans l'intérieur de l'école me font espérer que cette lettre suffira et que lorsque je te verrai de dimanche en huit, tu me diras toi-même que je puis compter sur ta résolution bien arrêtée de ne pas retomber dans les écarts que j'ai déjà eu à te reprocher l'année dernière et que j'ai encore à te reprocher aujourd'hui.

Ton affectionné.