Etiolles, le 30 juin 1863

Mon cher Alexandre,

Depuis le 23 de ce mois je ne suis plus Ministre d'Etat ; de nouvelles combinaisons ministérielles m'ont décidé à offrir ma démission à l'Empereur.

Les fonctions de membre du conseil privé que je conserve ne sont pas de nature à me tourmenter beaucoup et je me félicite de trouver un peu de repos.

Ta lettre du 20 mai m'a fait grand plaisir. La description de ton voyage m'a intéressé et quoiqu'un peu laconique elle me satisfait, car elle est faite correctement et donne une idée assez exacte de tes faits et gestes. J'ai fait envoyer au Comte Bentivoglio par le télégraphe le congé qu'il avait demandé ; je ne lui écris donc pas aujourd'hui dans la pensée qu'il aura déjà quitté Smyrne quand cette lettre te parviendra. Fais-moi savoir sans délai où il se trouve afin que je puisse lui écrire. Si, par impossible, il était encore à Smyrne, dis-lui que je répondrais longuement et avec sincérité à sa lettre. Dès à présent tu peux lui donner l'assurance que ce qu'il projette briserait sa carrière, que d'ailleurs la loi française, quoiqu'il en dise, ne l'admet pas. Les analogies qu'il cherche à établir sont entièrement dissemblables.

J'espère que pendant son absence tu te conduiras sagement, que tu mettras à profit le temps pour te préparer sérieusement aux examens de droit que tu auras à passer au printemps prochain. Ce que tu m'écris et ce qui me revient de Monsieur Rostang me donne toute sécurité. Le Comte Bentivoglio étant parti, je pense que tu as fait des arrangements pour ta nourriture avec Monsieur Rostang ; fais-les moi connaitre afin que je t'envoie l'argent nécessaire.

Adieu, ma femme mes enfants et moi nous t'embrassons.