Etiolles, le 30 septembre 1863

Mon cher Alexandre,

Ta lettre du 9 septembre me fait grand plaisir. Je trouve pourtant que ton imagination va un peu trop vite. Ce que tu me dis du passé n'est pas absolument exact ou du moins est très exagéré. J'ai craint à la vérité qu'entrainé par un peu de légèreté, tu n'entres dans une mauvaise voie, que tu te laisses aller à des suggestions erronées, que tu ne voies pas les choses comme elles sont ; mais je n'ai jamais pensé que tu fusses hypocrite. Cela dit je trouve ta lettre empreinte de bons sentiments et de beaucoup de sens. Ta règle économique ne manque pas de justesse, mais tu te trompes en blamant les gens qui ayant trois mille francs de revenu n'en dépensent que deux mille ; ils ne sont pas avares ils ne sont que prévoyants, car il arrive dans la vie mille incidents imprévus qui obligent à des dépenses sur lesquelles on ne comptait pas ; et si l'on n'a pas mis de côté, on se voit dans la nécessité d'entamer son capital ou de réduire sa dépense ordinaire, ce qui place forcément dans la position d'avoir à regretter demain l'argent dépensé aujourd'hui.

Le Comte Bentivoglio est ici depuis quelques jours ; il partira sous peu en passant soit par l'Italie soit par Vienne. Je pense qu'il sera de retour à Smyrne vers la fin d'octobre.

Charles se plaint de ne pas recevoir de tes nouvelles ; il dit que tu es un correspondant inexact.

Adieu je t'embrasse.