Paris, le 12 janvier 1864

Mon cher Alexandre,

Je reçois ta lettre du 31 décembre et je te remercie des souhaits de bonne année que tu m'envoies.

Je vois avec un grand plaisir que tu mets beaucoup d'ordre dans tes dépenses ; je te renvoie les factures.

Toutefois je trouve les comptes du tailleur un peu élevés ; monté comme tu l'étais en quittant Paris, il me semble que tu aurais pu dépenser moins.

Je voulais t'envoyer un fusil pour tes étrennes. Le retour à Smyrne du Comte Bentivoglio ayant été ajourné, j'ai ajourné moi-même et maintenant je pense qu'il serait trop tard. Tu le trouveras ici quand tu viendras au mois de juin pour ton examen de droit. Si, comme je l'espère, tu travailles un peu, tu n'auras besoin que bien peu de jours à Paris pour te mettre en mesure de passer cet examen.

Monsieur Herbet m'a fait connaître le rapport flatteur fait sur ta conduite lors de l'incendie. J'ai lu aussi ta lettre à Elise à ce sujet. Je te félicite de l'activité et du courage que tu as montrés dans cette circonstance. Je crois que le ministre chargera le gérant du consulat de te féliciter et, en attendant, ton nom est au Moniteur. Ce sont là de bien grands encouragements et tu vois que rien n'est perdu.

Je ne puis pas finir cette lettre sans toucher un sujet délicat dont tu es assez raisonnable maintenant pour apprécier l'importance. J'ai vu, dans ton compte, avec chagrin je te l'avoue, porter en recette : 300 francs de mes parents. Je t'ai dit avant ton départ quelle était la ligne assez difficile à observer j'en conviens, dans laquelle tu devais te maintenir scrupuleusement et, certes, c'est la transgresser bien grandement que d'avoir accepté de l'argent. J'ai regretté également et au même point de vue que tu n'aies pas laissé tes livres à Etiolles, en les confiant à Charles ou à Monsieur Bauchet.

Je ne m'étendrai pas plus longuement sur le sujet mais je le livre à tes plus sérieuses méditations, car il peut influer gravement sur ton avenir, et ta position même envers moi dépendra en partie du moins de la manière dont tu sauras conduire ta barque afin d'éviter les écueils que je t'ai signalés.

Adieu je t'embrasse.