Paris, le 2 mai 1865

Mon Cher Alexandre,

Je suis charmé que tu te plaises à Beyrouth, je suis charmé des sentiments que t'inspire déjà ton chef et enfin je suis très content que tu sois satisfait de ton installation et de tes rapports avec Monsieur Perthier.

Je ne me plains pas de tes lettres ; elles pourraient cependant être un peu plus détaillées, et j'aimerais y trouver un peu plus d'épanchement. Ne prend pas exemple de mon laconisme, car il n'y a pas d'analogie entre nos deux situations raconte-moi tout ce que tu fais, tes impressions, tes pensées, en un mot, tes plaisirs et tes peines.

Ce que tu me dis de Monsieur de Morny ne m'étonne pas. Ne connaissant pas le revers de la médaille, tu as dû d'autant plus juger comme tu le fais, que tu ignorais que Monsieur de Morny m'était très hostile et qu'il a cherché par tous les moyens dans ses dernières années à me nuire le plus possible.

L'Empereur m'a demandé d'accepter la présidence du Corps Législatif et je me suis empressé de déférer à ce désir ; mais la session étant trop avancée pour que je puisse arriver à temps, devant au préalable être nommé député, je ne présiderai la chambre que l'année prochaine.

On vient de m'annoncer le Moka, je n'ai pas encore entendu parler du vin de Chypre.

Les détails que tu m'as donnés sur la situation du Comte Bentivoglio m'ont rassuré, je crains seulement que leur exactitude ne laisse à désirer ainsi que tu me l'écris, tu ne pouvais prendre tes renseignements autre part qu'auprès de lui ; toutefois comme c'est uniquement dans son intérêt que j'ai besoin au juste de savoir à quoi m'en tenir, tu aurais peut-être pu m'aider par tes appréciations personnelles.

Je suis tout à fait remis de mon indisposition et j'espère qu'il n'en restera aucune trace. Dès à présent au surplus, j'ai retrouvé mes forces, pour tout faire excepté pour écrire.

Aussitôt que je le pourrai, j'irai faire un petit voyage et j'espère que le changement d'air achèvera de me rétablir en tout point.

Je t'embrasse de tout coeur.