Paris, le 4 décembre 1865

Mon cher Alexandre,

Ta lettre du 12 novembre dénote un sens et une raison dont je suis très heureux. D'après tout ce que tu me dis, je pense comme toi, qu'il n'y a pas à hésiter, et qu'il vaut mieux que tu restes à Beyrouth.

Les sentiments que t'a inspiré la date du 4 novembre me vont au coeur ; ils seront pour toi et pour ceux dont l'existence sera liée à la tienne le gage le plus certain du bonheur qu'on peut trouver sur cette terre.

Te voilà en possession d'une petite fortune. Je t'enverrai prochainement l'état régulier de ce que tu possèdes. Tes fonds, comme tu le sais, sont déposés chez Monsieur Le Monnyer ton avoir est d'environ 14 mille francs de rente ; j'ai pu depuis la mort de ta mère augmenter ta petite fortune d'environ 60 mille francs.

Tu as écrit à Bentivoglio que j'avais repris les actions de Damas ; je ne les avais pas reprises pour la bonne raison que je ne te les avais pas cédées ; je t'en avais parlé seulement et j'attendais ta majorité pour t'en rendre acquéreur. Bentivoglio et Monsieur Perthier disent que c'est une affaire superbe, 20 pour cent et au delà, d'autres personnes moins enthousiastes assurent que c'est un placement solide à 9 ou 10 pour cent comme tu es sur les lieux, tu pourras juger par toi-même de ce qui en est. Comme d'ici à quelque temps je suis obligé de les vendre j'aime mieux que tu en profites qu'un autre. Tu as en rente au porteur environ la somme nécessaire à cette acquisition.

J'écris à Monsieur des Essarts et je le remercie de l'amitié qu'il te montre. Je t'enverrai par le prochain courrier deux grandes photographies tu pourras lui en offrir une et garder l'autre.

Je désirerais qu'au printemps prochain, quand tu viendras ici, tu fisses tes derniers examens de droit. Tu es maintenant en excellente position et ce serait bien la compléter que d'être licencié en droit.

Adieu mon cher Alexandre je t'embrasse de tout coeur.