Saint Germain, le 6 août 1866

Mon Cher Alexandre,

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Tous les médecins des eaux en sont là. Il faut donc s'en défier à cet endroit là.

Si tu as besoin de Luchon , l'année prochaine rien ne s'opposerait à ce que tu viennes y passer ... mais, je crois que dans deux ans ce serait suffisant.

Le docteur Blache a eu tort d'écrire que tu allais à Luchon pour te reposer du climat de Syrie ; le fait était inexact et il a induit en erreur un confrère des eaux.

Je suis pour ma part convaincu que le climat de Beyrouth pendant neuf mois est très préférable pour toi au climat de Paris. Je ne te verrai pas sans une certaine inquiétude passer ici les mois de décembre et janvier ; lorsque tu auras 24 ans accompli c'est différent. Si les mois d'été sont trop chauds pour ton tempéramment à Beyrouth n'as-tu pas la montagne du Liban ? ou un congé.

Quant à ta carrière je n'aurais jamais compris ni admis que tu fusses attaché à la direction des consulats au ministère. Si je t'ai fait entrer dans la carrière consulaire c'est avec la pensée que tu suivrais exclusivement la carrière externe. A moins donc d'une nécessité absolue ou à moins que tu ne sois au moins sous directeur je ne voudrais pas te voir au ministère.

Tu es établi et bien établi à Beyrouth rien de mieux pour toi que d'y retourner cette année. Si contre toute attente le climat t'est contraire cherche quel est le climat qui te conviendrait le mieux et j'obtiendrai que tu y sois envoyé. Palerme ou Barcelone ou mieux Gênes. Ou enfin si tu voulais momentanément renoncer à l'Orient et à l'Italie la Plata, Buenos Aires ou Monte Video ; excellent air climat tempéré cependant chaud.

Quant à prétendre que l'énervement que tu ressents parfois, vient du climat de Syrie, c'est une ânerie déplorable cet énervement est la conséquence de ton tempéramment qui est lymphatique de ta santé générale qui pêche par les muqueuses par les bronches etc, etc. Il faut fortifier ton tempéramment mais il faut avant tout soigner ce qui touche à tes poumons à tes bronches à ta muqueuse. Tout cela se tient et un mauvais refroidissement dans un climat humide et frais réagirait bien vite sur ton argumentation entière qui n'est pas encore complètement développée.

Voilà une vraie consultation ; maintenant j'ajoute que s'il y avait nécessité à ce que tu passes un automne et un hiver à Paris, avec des précautions tu t'en tirerais très bien je n'en doute pas.

Mais à quoi bon essayer , à quoi bon faire cette tentative quand le soin de ta carrière doit au contraire te faire rester à l'étranger.

Adieu nous t'embrassons tous.

Charles te donne sans doute des détails sur nos faits et gestes.

Nous serons à Evian le 16. Nous t'y attendons avant la fin du mois.