Paris, le 25 mars 1868

Mon cher Alexandre,

Je viens de t'adresser une dépêche télégraphique pour t'annoncer ta nomination tu es nommé consul de seconde classe et chargé de l'agence de Janina. Monsieur de Moustier a dit à l'Empereur que tu avais droit à cet avancement pour la manière remarquable dont tu t'es acquitté de ta gérance. Il a cité particulièrement une dépêche où tu rends compte de la mission délicate qui t'avait été confiée concernant le D.. Pacha et le Patriarche, je crois. Ta nomination au grade de consul quoique n'ayant pas l'âge étonne un peu, cependant tout le monde te rend justice.

J'aurais mieux aimé pour toi le consulat de Damas ou de Chypre ; mais, quoiqu'il en soit, Janina n'est pas à dédaigner car on dit au ministère que dans les circonstances présentes c'est le poste consulaire le plus important et le plus difficile.

Je me suis enquis du climat ; celui de Janina est un peu froid, mais Monsieur de Moustier vient de me faire dire que ton prédécesseur avait l'autorisation de résider à Prévesa, port de mer charmant et dans un climat des plus doux et des plus sains. Je crois donc, en résumé, que tu feras bien d'aller à Janina. Toutefois ce ne sera pas pour très longtemps, car si tu continues comme tu as commencé, il ne sera pas difficile de te faire avoir un autre poste en Orient.

Quant à ton congé, fais comme tu le veux. Tu pourrais d'abord te rendre à Janina et obtenir facilement de revenir ici pour chercher des instructions. Si tu préfères directement , je n'y vois pas grande objection si ce n'est que tu n'aurais pas l'avantage d'avoir vu ta nouvelle résidence et d'être à même de l'apprécier en connaissance de cause.

Pour ta grande affaire, nous en parlerons quand tu seras ici. Tout est en suspens et tu n'est pas absolument engagé. Cependant il faudra une grande délicatesse de touche pour arrêter les choses sans blesser les intéressés ; et parmi ces derniers celui dont je me préoccupe surtout c'est Monsieur de Billing qui me semble désirer vivement t'avoir pour gendre.

Adieu mon cher Alexandre, je n'ai pas besoin de te répéter combien je suis satisfait de la bonne opinion que tu as su donner de toi elle assure ta carrière indépendamment même de mon appui. Je t'embrasse.

P.S. : Ce qu'on loue surtout en toi c'est ta prudence, ta sagesse et ton esprit conciliant. Le style de tes dépêches est aussi très apprécié.