21 janvier 1881

 

Mon cher ami,

L’article du Voltaire, quand il m’a été révélé, m’ayant fortement ému pour l’ensemble et notamment en ce qui concerne feu monsieur votre père, j’avais aussitôt jeté sur le papier les éléments de la note ci-jointe.

le conseil, que la suite a prouvé être bon, de ne pas engager la moindre polémique, ayant été suivi - la note, élément d’autres notes plus importantes - est resté sans emploi.

Je tiens fort peu à aucune de mes œuvres ou opuscules quelconques. Il m’est avis que, cette note, il faut la garder cependant.

Il ne faut pas laisser, en effet, s’écouler trop de temps entre la mort ni le moment de faire la chronique de l’homme au sujet de Mr votre père.

Je sais bien que la publication - sans aucun commentaire - des cinq cahiers de copie de la correspondance particulière de l’ancien Président du Congrès de Paris avec l’Empereur (vous les avez n’est-ce pas ces cahier ?!) suffirait d’établir, pour la postérité le mérite de grand homme d’état du Comte Alexandre Walewski Colonna - mais le peut-on faire, quand le pourra-t-on faire ? Les éditeurs ne manqueraient pas. Le Prince Napoléon, certes, ne s’y opposerait point. Mais ...

Là dessus, on ne peut que causer verbalement seulement il eut été bien d’avoir en main un travail historique complet.

Je vous l’ai conseillé dans le temps. On a même annoncé, il y a deux ou trois ans les mémoires du Comte votre père.

Tout cela est allé où vont les neiges d’antan !

Mais vous aviez confié il y a longtemps des documents intéressants à Monsieur Faugère ( ?) surnommé aux affaires étrangères Bibliotaphe. Il n’est plus directeur des archives, il a été mis à la retraite récemment, il doit avoir des loisirs.

En flattant son amour propre et en l’invitant à dîner ou à déjeuner, on pourrait ne plus le quitter jusqu’à ce qu’il ait terminé ce travail qu’il me disait, il y a deux ans, avoir commencé ! Ayant tout disposé et classé - n’ayant plus qu’à écrire.

Si vous suiviez avec esprit de suite et persévérance, cette affaire là ?

Il a, lui, des documents officiels importants.

Il est, peut être, déjà un peu tard ; cela vaut encore mieux que s’il devenait trop tard.

Veuillez y penser bien à tout cordialement à vous.

 

 

NOTE

 

Le Comte Walewski n’a jamais eu d’hôtel avenue Montaigne donné par l’Empereur. S’il avait voulu le demander, sans nul doute il l’aurait obtenu comme deux de ses collègues ; mais il n’a voulu jamais le demander comme on le lui conseillait.

Quant au domaine d’Orx dans les Landes, c’était une munificence à titre onéreux, car le domaine coutait, alors, beaucoup plus qu’il ne rapportait ; et ce fut tout simplement une idée généreuse de l’Empereur d’associer le nom de l’illustre homme d’état à une oeuvre de défrichement et de fertilisation d’une contrée entière ; réalisation d’un projet qui remonte à Henri IV.

Il n’est pas besoin de relever le chiffre du traitement de l’ancien Président du Congrès de Paris ; ce chiffre est loin d’avoir jamais atteint un pareil total. Le Comte Walewski n’a jamais, naturellement, occupé simultanément toutes les hautes positions que l’on énumère. On n’a oublié qu’une chose, c’est d’énumérer les nombreux et importants services qu’il a rendus à l’Etat, c’est à dire à la France, en même temps qu’à l’Empereur.

Le Comte Walewski est mort, après une vie toute entière consacrée à sa patrie d’adoption, relativement sans fortune ; et la pension accordée à sa veuve n’a nullement été le résultat d’une faveur exceptionnelle, ni même ce qui aurait pu être une récompense nationale. Elle a été inscrite au budget dans les conditions réglementaires, ainsi qu’il est fait de tout temps pour les veuves d’anciens fonctionnaires. La proportion n’a nullement été dépassée.

On ne saurait attendre la vérité de ceux qui ne veulent pas faire entendre la voix de la justice. La malveillance qui a ... à notre triste époque, un esprit de courtisanerie et de flatterie envers le pouvoir qui a la haine de l’Empire et de ses plus fidèles serviteurs, voilà la simple cause.

On poursuit, on destitue les vivants ; et l’on n’épargne pas davantage ceux qui ne sont plus, même pas ceux qui comme le Comte Walewski ont laissé la réputation d’intégrité en tout et de d’honorabilité la plus parfaite, ayant obtenu et gardé, du moins, l’estime de tous les ....