le 26 septembre 1869

Ministère de l'Intérieur
Cabinet du Ministre

 

Madame la Comtesse,

Je suis parti le lendemain même du jour où j'avais diné chez vous. L'amélioration bien caractérisée de la santé de l'Empereur m'a décidé à hâter mon départ. Mon absence n'aura pas été longue. Je rentre mercredi matin à Paris pour assister au conseil. La visite de retour remplacera la visite d'adieu.

Je reviens seul, Madame de Forcade prolonge son séjour avec ses enfants. Le temps est si beau, la campagne de la Gironde si riante en cette saison que je me condamne moi-même à l'isolement de Paris. L'isolement n'existe du reste qu'au point de vue de la famille. Mon cabinet ne connaît guère la solitude.

Mes enfants se trouvent à merveille de leur séjour à la campagne. Le grand air, le soleil et les raisins mûrs leur font des mines superbes. Le soir, on fait de la musique et ... se distingue quelque fois au piano où elle joue des morceaux à quatre mains avec son institutrice et les virtuoses du voisinage.

La politique ne m'épargne guère pendant cette absence qui aura durée moins de quinze jours. Il semble que Monsieur Magne et moi-même abusions de la villégiature ! Il y a un mois on disait que nous succombions à la fatigue et à une surexcitation maladive, aujourd'hui nous nous prélassons dans les délices de Capoue ! Il faut se faire une philosophie et rire de tout cela. Encore si les journaux se contentaient de dévorer les ministres, il n'y aurait pas grand mal. Mais les attaques contre l'Empereur et la famille impériale se renouvellent sans cesse, malgré le mépris qui commence à s'attacher aux faiseurs de pamphlets. Patience et fermeté sont plus que jamais les vertus à l'ordre du jour.

J'offre mes hommages à Mademoiselle Elise et mes compliments à Mademoiselle Eugénie et je vous prie, Madame la Comtesse, d'agréer l'assurance de ma respectueuse amitié.