Paris 22 août 1824

Lettre du Comte d’Ornano à Alexandre Walewski


J’ai bien tardé mon cher Alexandre à répondre à votre lettre du 6 du mois de mai dernier parce que je voulais avoir avant la réponse d’Antoine et de votre oncle, mais ils n’ont pas jugé convenable de me la faire cette réponse ! Je vous avoue que leur conduite à mon égard m’afflige beaucoup, surtout de la part d’Antoine qui n’a aucune raison pour manquer ainsi aux bienséances. Quant à votre oncle je le croyais revenu de l’éloignement qu’il m’avait toujours témoigné ainsi qu’à mon fils mais je vois au contraire que son antipathie pour nous n’a fait qu’augmenter, toutes ces raisons mon cher Alexandre et surtout les intérêts de mon fils si lésés jusqu’à ce jour me décident à demander sa part de l’héritage de sa mère.

Maintenant que vous et Antoine êtes en âge de connaître vos affaires aussi bien que nous, rien au monde ne doit nous empêcher de les finir. Je vous prie donc de dire de ma part à votre tuteur que je l’attends d’ici au 1er mai prochain.

Passé cette époque je suis décidé de m’adresser aux tribunaux pour obtenir la part de mon fils de l’héritage de sa mère, et là il pourra le lui disputer s’il en a toujours l’intention.

J’espère mon cher Alexandre que vous l’accompagnerez et qu’il vous sera facile de vous convaincre ainsi que lui que mon mariage avec votre mère est aussi en règle que le sien

Il le trouvera enregistré à l’état civil de la mairie, et dans ma paroisse à Paris où je suis domicilié.

Je vous parle de cela parce que s’il voulait donner les raisons pour lesquelles nous n’avons pas encore fait les partages il doit vous avoir fait connaître qu’il présumait qu’il manquait quelques formalités à notre mariage parce que je l’avais contracté dans la terre de l’exil ….a été la cause qui l’a décidé à s’emparer de la fortune de ma femme pour la régir comme il l’entend. La faiblesse que j’ai eue à consentir dans le temps aux arrangements que nous fîmes l’ont entretenu dans ses idées.

Il n’a pas voulu juger dans ce moment que je n’avais obtenu ma rentrée en France que pour un instant et que je la devais quitter immédiatement après nos arrangements. Voilà mon cher Alexandre l’exacte vérité. Malgré ce qu’il y a d’i… dans ces arrangements je les supporte… encore si la mémoire de ma femme ne s’en trouvait flétrie puisque l’on se demande pourquoi nous n’avons pas fait les partages selon les lois qui me donnent l’administration de la fortune de mon fils et non à Monsieur votre oncle ;venez donc mon cher Alexandre et soyez persuadé que dès que vous me direz de consentement de votre tuteur voulez faire les partages de la fortune de votre mère de telle manière que vous croirez être le plus honorable, vous me trouverez ainsi que Rodolphe disposé à l’adopter et que nous finirons comme des gens d’honneur ; …finir toujours par s’entendre

Lisa ne peut partir que dans 2 mois elle vous écrira elle-même pour vous en faire connaître les raisons

Rodolphe qui est ici en ce moment vous embrasse de tout son cœur, et il et désolé de ce que vous ne lui écrivez jamais.

Adieu mon cher enfant et croyez que vous et Antoine serez toujours dans mon cœur comme Rodolphe.

Votre affectionné beau-père

Comte d’Ornano

Ecrivez-moi souvent et si vous avez quelques commissions à me charger pour le départ de Lisa, j’aurai le temps de les mener avant qu’elle ne se mette en route.


Mille compliments à votre tante Antoinette de ma part et de celle de Rodolphe