Consortage des Jeurs

 

Les Jeurs/Trient 66

Extrait des actes des comices de mai 1757 autorisant les gens des Jeurs à vendre leur bois hors du Valais, en Savoie, et à marier leurs filles à des Savoyards.

1757, mai

C. Extrait des actes des comices de mai 1757, sur grand cahier de papier. Au dos, analyse XVIIIe s. (« Faculté de sortir le bois hors de la jurisdiction et de doter les filles qui se marient hors du pays - en diette de may 1757 »). Cote A. C. Sion « A. 1 ». Les Jeurs/Trient 66.

Ex actis comitiorum maii 1757

Correcto supplici libello suplicarunt his in comitiis homines loci ac montis Joriae parrochiae Martigniacensis pro licentia ducendi extra patriam ligna a se dominis vicedomino de Quartery et capitaneo Roverea vendita de certa silva vocata la Biolard, sita vero ad limites Sabaudiae ; exponendo silvam hanc esse modicis valoris, nulli esse comodam nisi Sabaudis qui etiam obideo illa fruantur soli ; casis silvae huius arboribus territorium hoc sibi pro minoribus suis pecoribus in pascua servire posserit et pretium conventum utut modicum pro solvendis in parte debitis suis ex limitatione confinium conflatis ; his alias plures in medium pro re sua adducendo rationes fusius in dicto libello expressas, atque unâ etiam humillime rogando pro facultate ac potestate dotandi filias suas imposterum Sabaudis nupturas eum in modum quo Sabaudi suas in hac patria seu Vallesiis nubentes dotare soleant, nimirum eis modicam admodum assignando dotem.

Quibus supplicationibus debite matureque pensatis, supremus patriae senatus suprafatis hominibus de Joriis gratiose favere volens, eisdem proin seu potius prememoratis dominis emptoribus omnem licentiam et facultatem concessit, dedit atque est impertitus ligna intra notos praedictae silvae confines, et non ultra, caedenda extra patriam ducendi ; hac tamen expressa sub clausula ut, si fors ligna per alveum Rodani fluminis abducendo damna barreriis inferrent, ad ea debite resarcienda teneantur ; eandem pariter facultatem atque potestatem praeassertis hominibus de Joriis dando atque impertiendo, in dotandis filiabus suis Sabaudis in futurum nupturis, utendi iure repraesaliorum seu iis modicas dotes assignandi quales Sabaudi filiabus suis Vallesiis nubentibus assignare soleant.

In cuius fidem etc.

Blatter cancellarius.

Traduction :

Extrait des actes des comices de mai 1757

Par un libelle de supplique amendé, les hommes du lieu et de la montagne des Jeurs de la paroisse de Martigny ont supplié en ces comices pour (obtenir) l´autorisation de conduire hors de la patrie du bois vendu aux seigneurs le vice-seigneur de Quartery (de Quartery) et le capitaine de Ravoire [1] (Roverea) et provenant d´une certaine forêt appelée la Biolard (la Biolard), laquelle est sise aux limites de la Savoie ; en exposant que cette forêt est de peu de valeur, qu´elle ne sert à personne sauf aux Savoyards, qui pour cette raison même sont seuls à en jouir ; qu´une fois tombés les arbres de cette forêt [2] , ce territoire aurait pu leur servir de pâturage pour leurs plus petits troupeaux et que le prix convenu, de toute façon modique, (vaudrait) pour paiement en partie de leurs dettes suscitées par la délimitation des confins ; Ajoutant à cela plusieurs autres raisons qu´ils ont avancées pour leur affaire [3] et qui sont exprimées plus abondamment dans le dit libelle ; et par une (autre) encore, en demandant très humblement la faculté et le pouvoir de doter leurs filles qui épouseront à l´avenir des Savoyards de la façon dont les Savoyards ont l´habitude de doter les leurs quand elles se marient dans cette patrie [4] ou bien à des Valaisans, en leur assignant assurément une dot modeste tout au plus.

Et après avoir dûment et mûrement pesé ces suppliques, le Sénat suprême de la patrie, voulant par faveur se montrer favorable aux susdits hommes des Jeurs, a concédé, donné et imparti à ces mêmes, comme bien plutôt aux susmentionnés seigneurs acheteurs, toutes licence et faculté de conduire hors de la patrie le bois coupé à l´intérieur des confins connus de la susdite forêt, et pas au-delà ; cependant sous cette clause expresse que, si par hasard ils causaient des dommages aux barrières (barrerriis) en conduisant le bois par le lit du Rhône (Rodani fluminis), ils soient tenus de réparer dûment les dommages ; et en donnant et impartissant également aux susnommés hommes des Jeurs la même faculté et le même pouvoir, dans la dotation de leurs filles qui à l´avenir se marieront à des Savoyards, d´user du droit de représailles ou de leur assigner des dots modestes tel que les Savoyards ont l´habitude d´assigner à leurs filles quand elles épousent des Valaisans.

En foi de quoi etc.

Blatter chancelier.



[1] Le même lieu apparaît a la fin de l´acte n° 71.

[2] Casis arboribus et non caesis arboribus (les arbres ayant été abattus). Bien que la vente soit bien engagée, les arbres (qui n´appartiennent pas aux gens des Jeurs) n´ont pas encore été coupés.

[3] In medium pro re sua adducendo.

[4] Cette patrie, c´est-à-dire le Valais.