Consortage des Jeurs

 

Les Jeurs/Trient 71

Transaction entre Germain-Joseph Ganioz, banneret de Martigny, et les consorts des Jeurs, pour un droit d´alpage de quatre vaches à la Meyselière et à Catogne.

1774, 29 mai. — Martigny-ville, in villa Martigniaci

Règlement du litige entre Germain-Joseph Ganioz (Germanum Josephum Ganioz), banneret de Martigny, et les consorts des Jeurs, à propos du droit d´alpage de quatre vaches à la Meyselière (la Meyseliere) et à Catogne (Catogne) hérité de son défunt père, Étienne Ganioz (Stephanus Ganioz), lui aussi banneret de Martigny ; Germain-Joseph Ganioz conserve son droit d´alpage de quatre vaches, moyennant 20 écus de petit poids du bas-Valais, et ne peut le vendre qu´à un consort des Jeurs sous peine d´exclusion et de perte de ses droits.

L´acte est reçu à Martigny-ville (in villa Martigniaci) par le notaire Jean-Joseph Ganioz (Joannes Josephus Ganioz), en présence des frères Jean-Jacques (Joanne Jacobo Pillet) et Jean-Antoine Pillet (Joanne Antonio Pillet) de Ravoire (Ravoriae).

A. Expédition sur rectangle de parchemin plié en deux. Au dos, analyses XVIIIe s. (« Transactio inter providum Josephum Ganioz banderetum Martigniaci et homines Joriarum eju[s]dem parochiae pro jure inalpeandi quatuor vaccas in monte de Catogne et de la Meyseliere » et « 1774. N°23. Accord entre Mr le banneret Ganioz et les consorts des Jeurs par lequel il ne peut alliener ni vendre son droit de vaches en leur montagne qu´à des consorts à peine d´exclusion pour toujours »). Cote A. C. Sion « D. 29 ». Les Jeurs/Trient 71.

In nomine Domini, amen. Cum ita et verum sit quod quaestionis et discordiae materia suborta fuerit et reverteretur per et inter providum Germanum Josephum Ganioz banderetum Martigniaci ex una, et homines Joriarum parochiae Martigniaci ex altera partibus, in et eo quod dicti homines Joriarum pretendant defendere et inhibere ne dictus banderetus Ganioz ulterius vaccas in alpe sua de la Meyseliere et de Catogne conducere, inalpeare et pasturare faciat, attento quod idem banderetus nec dictae alpis consors sit, nec vaccas suas in hoc Joriarum eorumdum territorio hiemare nec hibernare curet, licet in suo ambitu magale du Feat, habeat et possideat, et quondam prudens Stephanus Ganioz equidem banderetus et locum tenens Martigniaci ejusdem discreti Germani pater pro vita magalis vaccas nonnullas in dicta alpe annualiter per certum tempus induxerit et cum caeteris consortibus inalpeaverit, cum hoc ex gratitudine et servitiorum sibi praestitorum remu(neratio)ne illi indultum et concessum fuerit gratiose,

Praemissa econtra inficiebatur [1] dictus banderetus Ganioz producens instrumentum acquisiti per dictum Stephanum Ganioz suum patrem facti a Claudio Guex burgi Martigniaci cum omnibus dicti magalis du Feat pertinentiis et juribus annexis, qui Claudius Guex in burgo commorans faenum dicti magalis veris et autumni temporibus per vaccas suas non illas ibidem hiemando manducare (facere) curabat, et nihilominus vaccas quinque in dicta alpe sine contradictione mittebat et anatim depascebat, et eo magis quod vaccarum hiematus non ex actu ipso hiemationis intelligitur, sed de ipsa quantitate faeni ad dictas vaccas hiemandas ibi crescentis, quae quantitas faeni in dicto magali adest sufficiens pro dicto numero vaccarum cujus possessorium cum paterno conjunctum ad quinquaginta annos et ultra vertebat et plenam praescriptionem optabat et complebat, plures hinc et inde allega(ve)runt rationes dictae partes hîc brevitatis causa ommissas praeoptantes tamen dictae partes difficultates illas amicabili via sopire et definire.

Hinc est quod anno salutis mil(l)esimo septingentesimo septuagesimo quarto dieque vigesima nona mensis maii coram me et testibus subscriptis fuerunt in personis suis constituti, scilicet Petrus Josephus Vullioz de Letroz, Josephus Vullioz Joriarum, Joannes Remigius filius Petri Guex, et Joannes Remigius filius Joannis Guex, Joannes Josephus Guex Crosier, Joannes Josephus Chappot, sese fortes facientes pro aliis Jorensibus et dictae alpis de la Meyseliere et de Catogne consortibus absentibus per quos subscripta approbata iri spondent quoties legitime requiretur ex una, et dictus Josephus Germanus Ganioz banderetus Martigniaci ex altera partes [2].

Quae quidem partes gratis ut aiunt, pro se et suis de suis controversiis praedictis hisce transigunt et conveniunt ut sequitur ; dicti homines Joriarum agentes tam nominibus suis propriis quam aliorum dictae alpis consortum admittunt et concedunt dicto Josepho Germano Ganioz bandereto et ejus haeredibus masculis quamdiu dictum magale du Feat possiderint et detinuerint, jus et potestatem quatuor vaccas in dicta alpe de la Meyseliere et de Catogne annualiter mittendi et inalpeandi et cum vaccis aliorum consortum pasturare faciendi et consors fructum exinde prosiliens dividendi et percipiendi ut reliqui dictae alpis consortes cum honore et onere,

Et hoc tam respectu defuncti Stephani Ganioz bandereti dicti Germani patris qui in suis controversiis et difficultatibus limitationis dictae alpis cum hominibus Vallis Ursinae uti procurator causam defendidit et conduxit, quam mediantibus viginti scutis parvi ponderis semel solvendis, sub adjecta conditione quod si dictus banderetus Germanus vel ejus haeredes dictum magale du Feat vendiderint vel allienaverint alicui dictae alpis non consorti, quod tunc ex possessorio dicti bandereti et ejus haeredum masculorum nullum praescriptionis jus exinde pretendere nec habere possit in dicta alpe contra solitum vaccae mittendi, quam viginti scutorum summam dictus banderetus immediate solvere promisit, de qua bene contenti illum quittant et absolvunt cum pacto in talibus solito.

Renunciantes dictae partes omni juri huic transactioni contrario, promittentesque praesentem transactionem in effectum deducere et fideliter observare.

Actum hoc in villa Martigniaci domi mis notarii, adstantibus Joanne Jacobo Pillet et Joanne Antonio Pillet fratribus utroque Ravoriae, testibus notis et rogatis ; (souscription autographe) meque notario stipulatore rogato qui licet aliena fideli manu scripta sint praevia collatione me in istorum fidem, robur et indubium veritatis testimonium propria me subsignavi.

Joannes Josephus Ganioz, notarius.

Traduction :

Au nom du Seigneur, amen. Comme il est ainsi et vrai que le sujet de la question et de la discorde a été soulevé par et est revenu entre prévoyant Germain-Joseph Ganioz (Germanum Josephum Ganioz), banneret (banderetum) de Martigny d´une part, et les hommes des Jeurs de la paroisse de Martigny d´autre part, dans et sur ce que les dits hommes des Jeurs prétendent défendre et empêcher que le dit banneret Ganioz ne fasse conduire, inalper (inalpeare) et paître plus avant ses vaches dans leur alpage (alpe) de la Meyselière (la Meyseliere) et de Catogne (Catogne), attendu que ce même banneret n´est pas consort du dit alpage et qu´il n´a pas soin de faire passer l´hiver à ses vaches ni de les hiberner dans ce territoire des mêmes Jeurs, bien qu´il ait et possède dans son pourtour/secteur (ambitu) le mayen (magale) du Feyat (du Feat) et bien que feu prudent Étienne Ganioz (Stephanus Ganioz), quant à lui banneret et lieutenant de Martigny, père du même discret Germain, pour la vie du mayen conduisait chaque année quelques vaches dans le dit alpage pour un certain temps et inalpait avec tous les autres consorts, comme cela lui avait été accordé et concédé par faveur en remerciement et rétribution de services qu´il leur avait rendus ;

A l´encontre le dit banneret Ganioz contestait ces prémisses, produisant l´acte de l´acquêt (acquisiti), fait pour le dit Étienne Ganioz son père par Claude Guex (Claudio Guex) de Martigny-bourg, avec toutes les dépendances et droits annexes du mayen du Feyat ; lequel Claude Guex, demeurant au bourg, prenait soin aux temps de printemps et d´automne de faire manger le foin du dit mayen par ses vaches, sans qu´elles y passent l´hiver, et c´est néanmoins sans contradiction qu´il envoyait cinq vaches dans le dit alpage et les faisait paître chaque année ; et ce d´autant plus que l´hivernage des vaches ne doit pas être entendu comme l´acte-même d´hivernage, mais seulement comme la quantité de foin poussé en ce lieu (hic) qui est nécessaire à l´hivernage des dites vaches ; laquelle quantité de foin dans le dit mayen est suffisante pour le dit nombre de vaches dont le droit de possession [3], conjoint avec le paternel, valait pour [4] cinquante ans et au-delà et demandait ( ? optabat) et remplissait la pleine prescription. De part et d´autre les dites parties ont allégué un plus grand nombre de raisons que l´on a omises par souci de brièveté, les dites parties préférant toutefois apaiser et arrêter à l´amiable ces difficultés.

De là résulte que l´an du salut mille sept cent soixante quatorze, le vingt-neuvième jour du mois de mai, devant moi et les témoins souscrits, furent constitués en leurs personnes, à savoir Pierre-Joseph Vullioz (Petrus Josephus Vullioz) de Litro (Letroz), Joseph Vullioz (Josephus Vullioz) des Jeurs, Jean-Rémi (Joannes Remigius) fils de Pierre Guex (Petri Guex), et Jean-Rémi (Joannes Remigius) fils de Jean Guex (Joannis Guex), Jean-Joseph Guex-Crosier (Joannes-Josephus Guex-Crosier), Jean-Joseph Chapot (Joannes Josephus Chappot), qui se portent garants/forts pour les autres Djorains (Jorensibus) et pour les consorts absents du dit alpage de la Meyselière et de Catogne, par lesquels ils promettent de faire approuver les dispositions souscrites chaque fois qu´il sera légitimement requis, d´une part ; et le dit Joseph-Germain Ganioz, banneret de Martigny, d´autre part ; lesquelles parties gratuitement, à ce qu´elles disent, pour elles et pour les leurs, transigent et conviennent au sujet de leurs susdits litiges comme il suit ;

Les dits hommes des Jeurs agissant tant en leurs noms propres qu´en celui des autres consorts du dit alpage, admettent et concèdent au dit Joseph-Germain Ganioz, banneret, et à ses héritiers mâles, aussi longtemps qu´ils possèderont et détiendront le dit mayen du Feyat, le droit et le pouvoir d´envoyer et d´inalper chaque année quatre vaches dans le dit alpage de la Meyselière et de Catogne et de les faire paître avec les vaches des autres consorts, ainsi que de partager et percevoir le produit de consortage (consors fructum) que l´on tire de ce lieu [5], comme les autres consorts du dit alpage avec honneur et charge,

Et cela autant par respect du défunt Étienne Ganioz, banneret, père du dit Germain, qui dans leurs litiges et difficultés de bornage du dit alpage avec les hommes de Vallorcine (Vallis Ursinae) a défendu et conduit l´affaire en qualité de procureur, que moyennant (la somme de) vingt écus de petit poids à payer en une fois, sous la condition ajoutée que dans le cas où le dit banneret Germain ou ses héritiers vendraient ou alièneraient le dit mayen du Feyat à quelqu´un qui ne serait pas consort du dit alpage, alors il (ce-dernier) ne pourrait prétendre ni avoir, à partir du droit de possession ( ex possessorio) du dit banneret et de ses héritiers mâles, aucun droit d´exception (praescriptionis jus) pour envoyer, contre l´habitude, des vaches dans le dit alpage [6]. Cette somme de vingt écus, le dit banneret a promis de la payer immédiatement ; s´en trouvant satisfaits, ils le quittent et l´acquittent avec le pacte habituel en tels cas. Les dites parties renonçant à tout droit contraire à cette transaction et promettant de faire suivre d´effet la présente transaction ainsi que de l´observer fidèlement.

Fait en la ville de Martigny (in villa Martigniaci) dans la demeure de moi, notaire, se tenant là Jean-Jacques Pillet (Joanne Jacobo Pillet) et Jean-Antoine Pillet (Joanne Antonio Pillet), frères, l´un et l´autre de Ravoire (Ravoriae), témoins connus ( notis : notés ?) et requis ; et moi, notaire stipulateur requis qui, bien qu´elles aient été écrites par une main étrangère mais fidèle, par collation préalable ai soussigné de ma propre main en (gage de) foi, force et indubitable témoignage de la vérité de ces promesses.

Jean-Joseph Ganioz, notaire



[1] Sic pour infitiebatur.

[2] Partibus corrigé en partes.

[3] Lit. : (jus) possessorium : droit possessoire.

[4] Lit. : roulait sur.

[5] Lit. : poussant de ce lieu .

[6] Lit. : aucune droit d´exception d´envoyer de vache (vaccae mittendi) contre l´habitude.