COLLOQUE INTERNATIONNAL 29 septembre - 3 octobre 2009

BESANÇON - SAINT-MAURICE D'AGAUNE

Autour de saint Maurice :
Politique, société et construction identitaire.

 

Nathanaël NIMMEGEERS :

Saint-Maurice dans le diocèse de Vienne au haut Moyen-Age

 

Vienne et saint Maurice : l'association semble évidente. Elle est pourtant beaucoup moins logique qu'il n'y paraît. Le culte mauricien, en effet, ne fait irruption à Vienne que tardivement et sa pratique ne s'impose réellement qu'après 1050.

Vienne, qui domine une vaste province ecclésiastique, se situe dans une région très romanisée et anciennement christianisée qu'occupent d'abord les Burgondes (vers 462) puis les Francs (après 534). Le groupe épiscopal primitif de la cité est assez bien documenté. Il comprend, outre un baptistère restauré par Avit et une église probablement dédiée à la Vierge, une cathédrale placée sous le vocable des Macchabées. Saint Maurice demeure, quant à lui, inconnu jusqu'au début du VIIIe siècle. L'évêque Eoalde (700-726) se rend alors probablement à l'abbaye d'Agaune, fondation royale franque située dans le diocèse de Sion, limitrophe de la province de Vienne qui comprend à l'est les diocèses de Genève, Maurienne et Tarentaise, pour obtenir une partie des reliques du martyr. Le prélat les fait, à son retour, déposer dans un édifice voûté, sans doute distinct de la cathédrale, construit pour la circonstance. Peu après cet événement, l'Eglise de Vienne prend définitivement le nom de saint Maurice, dont le culte se développe sous l'impulsion d'évêques clairement mauriciens comme Vilicaire (735-760 environ).

 

Pour autant, ce changement de vocable n'affecte pas aussi rapidement et radicalement la cathédrale. Deux remarques s'imposent à ce propos. Tout d'abord, le souvenir de la dédicace vétérotestamentaire primitive perdure jusqu'à une date très avancée, en association avec saint Maurice. Ensuite, le patronage du Sauveur entre en concurrence avec celui du martyr thébain, à une date mal déterminée. L'historiographie viennoise a souligné, dans ce domaine, le rôle de l'évêque Volfère (800-810 environ). Artisan d'une sévère reprise en main carolingienne, celui-ci aurait imposé une nouvelle dédicace à l'édifice, en même temps qu'il réorganisait le diocèse au début du IXe siècle. L'étude des diplômes et des chartes locales semble infirmer cette hypothèse et il faut probablement placer l'émergence du vocable du Sauveur à l'extrême fin du IXe siècle. Après la parenthèse bosonide (879-887), période courte mais très mauricienne, la concurrence de la nouvelle dédicace devient, en effet, de plus en plus vive. Particulièrement marquée entre 950 et 1050 environ, elle ne conduit toutefois jamais à la disparition du vocable mauricien, qui finit par s'imposer totalement dans la seconde moitié du XIe siècle, sans doute à l'occasion des grands travaux que lance l'archevêque Léger (1030-1070).