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REMARQUES DU CHANOINE CHARLES Remarques sur les nottes des titres de l'Abbaye

L'unique dessein que l'on a eu en entreprenant de travailler à ces nottes a été de faciliter à ceux qui en pourroient avoir besoin la connoissance des diverses droitures de l'Abbaye, en réunissant sous leurs yeux, comme dans autant de tableaux, l'abbrégé du dispositif de tous les titres particuliers dispersés çà et là qui concernent chacune de ces droitures, et de leur fournir en même tems le moyen de les trouver aisément chacun dans les archives.

Pour tâcher d'atteindre en quelque sorte à ce but, on s'est d'abord proposé de rendre cette ébauche de nottes aussi abbrégée qu'il seroit possible; et c'est dans cette vue : 1° qu'on n'y a presque fait entrer aucun des actes entièrement étrangers à notre maison, les relégant tous ensemble au-dessus des dernières colonnes des tiroirs ou layetes placées aux archives, où on pourra les voir à loisir; 2° qu'on s'est contenté d'indiquer en gros les actes mêmes qui concernent à la vérité des familles à la successions desquelles l'Abbaye a eu part, comme à celles des de la Tour de Bagnes, des Lortans de Liddes, Cally, etc., mais qui ne regardent pas directement ladite Abbaye; 3° qu'on y a supprimé dans les vieux actes de reconnoissances, d'abbergemens, d'acquis, etc., presque tous les confins qui n'y sont désignés que par les noms des aboutissants, auxquels on ne sauroit également remonter aujourd'hui; 4° qu'on y a même ordinairement omis les dattes des jours et des mois, ainsi que les noms des notaires et des témoins, et toutes les clausules inutiles, marquant cependant à la marge les mots original ou copie pour désigner le degré d'autenticité que chaque acte pouvoit mériter; 5° enfin, qu'on s'est abstenu tant qu'on l'a pu de gloser sur les actes dont on venoit de faire l'extrait, soit par crainte de se tromper dans ces gloses, soit pour ne pas enlever au lecteur le juste plaisir d'en juger lui-même. En sorte que si on s'est licentié soi-même quelques fois jusqu'à y glisser quelques remarques ou réflexions, ce n'a été que touchant des questions importantes, qui ne pouvoient être éclaircies qu'en récapitulant et réunissant le sens de divers titres déjà exposés, mais dans différens articles de ces nottes, où il auroit été trop difficile au lecteur de les aller repêcher.

Malgré l'envie cependant que l'on a eu d'abbréger ces nottes, on n'a pas cru que cette brièveté dût préjudicier à l'exactitude requise pour n'y laisser de côté rien de ce qui étoit nécessaire à mettre les faits concernants les divers droits de la maison suffisamment dans le jour dont ils étoient susceptibles. Pour tâcher donc de ne rien négliger, exceptés les gros rouleaux et livres de reconnoissances tant anciennes que nouvelles, dont on a regardé l'examen comme un ouvrage à la portée des seuls commissaires, on a fouillé non seulement dans les tiroirs, mais même dans tous les coins des archives où il se trouvoit des parchemins ou papiers dispersés, réservant et mettant à côté tout ce qui a paru concerner le moins du monde les droits de l'Abbaye. On a même eu recours à d'anciens livres de minutes des chanceliers de la maison et de quelques notaires, auxquels on a ajouté des tables, et qu'on a placé dans la garde-robbe qui est aux archives, où l'on n'a pas manqué non plus de consulter les livres de copies d'actes compilés du tems de l'abbé Pierre Odet, et d'en faire usage.

Par la même raison, après avoir trié tous les actes qui regardoient la maison, on a cru n'en devoir dissimuler aucun dans ces nottes, qu'il parût important ou non, clair ou équivoque, favorable ou contraire à ses prétentions. Cela entroit dans le plan qu'on s'étoit proposé de ne laisser <> ignorer la substance d'aucun des actes concernants chacun de nos droits entre ceux qui se trouvoient renfermés dans nos archives. Outre qu'une personne qui voit tout sous ses yeux - le fort et le foible - peut, dans le besoin, prendre ses résolutions avec plus de maturité et de conseil, et que d'ailleur on étoit bien éloigné de se croire en droit et surtout en état de juger quels étoient précisément les actes bons ou mauvais, utiles ou inutiles, et qu'il falloit par conséquent rebuter ou conserver, n'y ayant ordinairement que des practiciens bien affidés et très instruits des principes de la jurisprudence qui puissent et doivent se mêler de faire un tel discernement. On sent bien au reste qu'il s'ensuit de ce que l'on vient de dire qu'il ne seroit pas à propos que quelques-uns surtout de ces cayers de nottes tombassent entre les mains de personnes suspectes ou trop babillardes.

À la vérité, on auroit pu absolument abbréger davantage ces nottes, en en retranchant tous les titres anciens qui ne concernent que les droits de l'Abbaye tombés aujourd'hui en caducité, ou parce qu'on les a aliéné par des échanges ou des transactions, ou parce qu'ils ont été usurpés, ou parce qu'on les a laissé prescrire. Mais c'est ce que, tout bien considéré, on n'a pas cru cependant devoir faire. En remarquant les causes de la décadence de ces anciennes droitures, on peut apprendre à prévenir celle des droitures qui sont encore en vigueur. D'ailleur, la plupart de ces droitures ont une certaine liaison les unes avec les autres, comme ayants presque toutes la même origine, savoir les grandes donations des rois de Bourgogne, de façon que les titres qui concernent les premières peuvent servir à faire voir la nature de celles qui subsistent, et les privilèges avec lesquels on devroit les posséder; outre qu'on auroit eu quelque raison de trouver mauvais qu'on n'eût pas conservé dans ces nottes quelque mémoire de ce que l'Abbaye étoit autresfois. Il est vrai que cette dernière raison n'a pas fait beaucoup d'impression, l'idée de contribuer à l'histoire de la maison n'étant aucunement entrée dans le plan qu'on s'est formé ici.

On remarquera aussi, par la lecture de plusieurs articles, qu'on a prit la peine d'y répéter, ou d'y indiquer tout au moins, des titres qui étoient déjà extraits ailleurs dans ces nottes. Ce n'est pas sans raison qu'on en a agi ainsi : il s'est trouvé plusieurs documens, même quelques fois des plus importants, qui servent à prouver différentes droitures, et qu'on ne pouvoit pas multiplier. Il convenoit cependant qu'en traittant chaque droiture, on y dît et rappellât tout ce qui la concernoit, affin de ménager ainsi la mémoire du lecteur, en ayant l'attention de ne pas exiger de lui qu'il se rappellât dans chaque article tout ce qu'il avoit vu ailleurs qui pouvoit le regarder. Or c'est ce que l'on a tâché de faire dans ces nottes, autant que la mémoire l'a pu comporter, et c'est pour cette raison surtout qu'il ne conviendroit peut-être pas d'en égarer les cayers, puisque ce n'est que là que tous les titres appartenants à chaque matière se trouvent réunis, etc.

Enfin, ce qui a encore beaucoup allongé ces nottes est qu'on n'a pas voulu qu'elles fussent envisagées comme une table nue, ou un simple répertoire des titres contenus dans nos archives, mais plutôt, ainsi qu'on l'a déjà insinué, comme un recueil d'autant d'extraits fidèles qui rapportassent toute la substance de leur dispositif, au moins quand aux principaux, et qu'ainsi on fût à même de s'instruire passablement par leur moyen des droits de la maison, sans être obligé de recourir à chaque instant aux originaux, ou même à leurs copies. On a eu surtout cette attention à l'égard des procès un peu importants que l'Abbaye a eu à soutenir et des sentences ou transactions qui les ont terminé. On trouvera peut-être même qu'on s'est quelquesfois trop étendu sur le narré de ces procès; mais les fratras de papiers qu'on avoit alors devant les yeux et qu'il falloit tous trier, joints à l'envie qu'on avoit de ne rien supprimer qui pût être de quelque utilité, ont été cause qu'on ne s'est pas toujour contenu dans des bornes assés réservées.

Quand à l'arrangement qu'il y avoit à mettre entre les différentes matières, et le grand nombre de documens qu'il s'agissoit de renfermer dans ces nottes, il n'y a qu'à y jetter les yeux pour voir comment on s'y est prit. Après avoir ramassé de divers endroits des archives <> les papiers et parchemins concernants un village, une paroisse ou une jurisdiction, on les a rangé sous différentes classes, respectivement aux droits différents de jurisdiction, de fief, de dîme, de taillabilité, de forages, etc. que l'Abbaye y avoit ou avoit eu. Ensuitte, on a déterminé l'ordre que ces diverses classes ou liasses de papiers et parchemins devoient tenir entre elles, en tâchant de leur faire suivre leur rang le plus naturel, et observant de ne pas mettre à la queue des autres celles qui renfermoient les titres les plus généraux et qu'il faudroit rappeller le plus souvent. Enfin cela étant fait, on a arrangé les titres particuliers de chaque liasse entre eux selon leur ordre chronologique, qui a paru le plus aisé et le plus clair, comme celui qui découvre mieux l'origine de chaque droiture, la manière dont elle a été entretenue et l'état de décadence ou de vigueur où elle est aujourd'hui. Par tout ce que l'on vient de dire, on conçoit aisément qu'il n'y a aucun parchemin ou papier indiqué dans ces nottes qui n'ait dû passer tout au moins cinq à six fois différentes sous les yeux, avant que de pouvoir mettre la main à la plume pour en faire l'extrait, trop heureux encore si on avoit pu réussir à choisir le meilleur ordre et à le suivre exactement. Mais c'est ici précisément le point où l'on avoue ingénuement qu'on a fait le plus de fautes : un oubli, une distraction, une nouvelle découverte ont assés souvent obligé de revenir sur ses pas, et malgré les intervals laissés en blanc entre presque chaque notte, on n'a pas laissé d'être souvent forcé, pour ne pas recommencer le tout, de laisser bien de la confusion, heureusement qu'elle ne cause qu'un peu plus d'ambarras, sans induire cependant à aucune erreur.

Pour ce qui concerne les renvois propres à faciliter le moyen de trouver tout à coup dans les archives les titres ou papiers qu'on y cherche, voici la méthode à laquelle on s'est attaché dans ces nottes : on a d'abord marqué à la tête de chaque article les numéros du tiroir et du paquet où les titres cottés dans le même article se trouvent dans les archives. Deuxièmement, on a distingué entre eux les titres de ce même article en marquant à côté de chacun, à l'une des marges, l'année où il a été stipulé, et à l'autre marge, son numéro propre, avec un ou deux mots qui désignent le titre de l'article où il est contenu. D'un autre côté, comme dans les archives, par la réforme qu'on y a fait, chaque tiroir ou layete, chaque paquet et chaque titre, au moyen d'un bout de papier y collé, sont numérottés et étiquetés de manière qui y correspond, rien n'est plus aisé que de trouver dans lesdites archives le titre qu'on y cherche, et même de le remettre en sa place quand on n'en a plus besoin, car le titre marqué sur son bout de billet fait facilement reconnoître le tiroir et le paquet où est sa place, en confrontant ce titre avec leurs étiquettes.

Au reste, pour éviter tout embarras, on devroit être fort exact à remettre chaque titre en sa place aux archives après s'en être servi; autrement les archives retomberont bientôt dans leur première confusion. Il seroit même à propos de ne sortir jamais aucun titre sans avoir marqué dans un livre destiné à cet effet les numéros de ce titre, du paquet et du tiroir d'où il a été tiré, outre le jour où cela a été fait et le nom de celui à qui il a été confié, affin que l'archiviste puisse le redemender et en faire rendre compte en tems et lieu.

Il seroit sans doute très utile d'avoir des livres où fussent copiés du moins les actes les plus importants, affin qu'on pût se passer d'avoir si souvent recours aux originaux. En attendant, on a au moins indiqué et cité à la marge dans ces nottes les copies de ceux qui se trouvent registrés dans les livres de copies qu'a fait faire l'abbé Pierre Odet, et qui sont aux archives. On pourroit aussi, avec un peu d'attention, profiter des livres de copies de M. l'abbé Charleti [Charléty], en citant ces copies dans ces nottes à côté de chacun des extraits de leurs originaux.
N. B. Cela se trouve fait.

Il ne reste plus qu'à prier ceux qui prendront la peine de jetter les yeux sur ce commencement de brouillon de nottes (car elles ne sont que cela) de ne point épargner, de réformer au contraire sans miséricorde les fautes d'exactitude, non dans la diction et l'ortographe dont on ne s'est point ambarassé <> et qui sont infinies, mais dans les faits, les omissions et les dattes qui peuvent surtout causer de l'erreur, les pardonnant cependant bénignement à celui qui les a faites, comme à une personne qui n'avoit jamais travaillé ni vu travailler à un tel ouvrage, qui y a travaillé sans secour et pour ainsi dire sans guide et sans modèle, qui a même été en quelque sorte obligé de se remettre à l'alphabet pour apprendre à déchiffrer les vieux écrits, et qui, par toutes ces raisons, semble mériter quelque indulgence, mais qui n'en demende cependant d'autre que celle de ne lui pas faire l'injustice de blâmer ses intentions.

On oublioit presque de remarquer ici qu'on pourra trouver dans les extraits de M. Bolliet [Boillet], et dans d'autres livres ou cayers de nottes ou copies contenus dans nos archives, qu'il y est fait mention de divers actes concernants même des articles insérés dans ces nottes, dont on n'y a cependant pas parlé, parce qu'on n'en a jusqu'ici trouvé ni les originaux, ni des copies authentiques. On n'a prétendu s'astraindre à renfermer dans ces nottes que ce qui a paru porter quelque marque d'autenticité.

[On trouve ici, d'une autre main, la référence bibliographique suivante :
Chanoine Boccard, " Le chanoine J.-H. Charles, prieur et archiviste à l'abbaye de St. Maurice " in Mémorial de Fribourg 4 (1857), pp. 360-361.]

[L'article ci-dessus sera repris dans Annales Valaisannes 30 (1955/3), pp. 356-357, sous le titre d' " Un archiviste d'autrefois : le chanoine J. H. Charles ".]

[Anne-Joseph de Rivaz (1751-1836), chanoine de Sion, Opera historica, 18 vol., T. II : Vallesium christianum, seu series episcoporum et acta ad historiam ecclesiæ Sedunensis spectantia (351-1206), pp. 82-87 : commentaire & citation (main inconnue du XIXe s.).]

Dans sa dissertation pour garder saint Florentin dans la série des évêques de Sion, A.-J. de Rivaz, répondant aux bollandistes, nous a laissé à la p. 82 et sqq. des renseignements fort intéressants sur les archives et les études historiques en Valais au siècle dernier :

"Enfin mon bollandiste infirme l'argument de la perpétuelle tradition du pays de Vallais [Valais] par le témoignage de dom de L'Isle, qui écrivait en Vallais [Valais] même en 1723 et 1724 cette Histoire chronologique, du temps qu'il professait la théologie à l'Abbaye même, et qui, dans son Histoire manuscrite de l'abbaye d'Agaune et de l'Église de Sion, ne parle qu'en hésitant de saint Florentin martyr comme évêque de Sion. Voici ce qu'il en dit, traduit en latin par mon bollandiste :

"Constat episcopatum fuisse in Vallesia [Valais] circa medium saeculum IV., cum, concilio Aquileiensi [Aquilée (Istrie)] celebrato anno 381, subscripserit Theodorus [Théodore ou Théodule] tamquam episcopus Octodurensis [Martigny]. Successores Theodori [Théodore ou Théodule] usque ad Constantium [Constantius], qui Epaonensi [Épaone (Gaule mérovingienne)] concilio interfuit, haud multum noti sunt. Interim adstruitur (on avance) Florentinum [Florentin] sedi Octodurensi [Martigny] præfectum fuisse anno 411, ac martyrium subiisse in persecutione Wandalorum [Vandales] : illi autem successisse Rusticum [Rusticus] anno 443."

Et pour combattre plus efficacement l'autorité de M. Briguet par celle de dom de L'Isle, il ajoute qu'il ne doute pas que ce bénédictin, honoré de la bienveillance de l'évêque Supersaxo, comme il s'en flatte lui-même à la fin de son manuscrit, et demeurant pour lors à l'abbaye de Saint-Maurice, n'ait eu communication des titres des archives de l'Évêché et du Chapitre, dans lesquels, s'il <> avait trouvé quelque chose de positif sur saint Florentin, il est hors de doute qu'il aurait produit les anciens documents témoins de son existence au Ve s. comme évêque de Sion.

Je vais répondre de mon mieux à toutes ces objections; et d'abord j'observerai à mes lecteurs qu'il s'en faut de beaucoup que dom de L'Isle ait eu communication des archives de l'Évêché et du Chapitre, car toute la Suisse sait, et tous nos historiens s'en sont plaints, que ces archives étoient impénétrables. Elles demeurèrent fermées aux jésuites que les premiers bollandistes envoyèrent en Vallais [Valais] y chercher des renseignemens sur saint Maurice et ses compagnons. Mon père et le baron de Zurlauben ne purent jamais y pénétrer; et le peu que les éditeurs du Gallia christiana ont écrit de notre Église dans leur XIIe tome, ils l'ont écrit en grande partie sur les Mémoires de mon père, comme ils l'attestent eux-mêmes, et sur les chartes copiées par mon père aux archives de l'Abbaye, et par lui communiquées au baron Zurlauben, son ami, qui en donna des copies à ces savants bénédictins.

Quant à M. Briguet, honoré de la confiance de l'évêque Blatter, dont il était aumônier, et du Chapitre de Sion, dont il était chanoine, il y a apparence que ces archives lui furent ouvertes; mais il paraît qu'il ne sut pas en tirer parti, comme je le démontrerai en cent endroits de ces Mémoires historiques et critiques.

Si l'on me demande d'où vient qu'il n'y avait pas moyen de pénétrer en ces archives, je dirai une chose <> que nos érudits suisses savent tous, que cela venait d'une longue et persévérante méfiance entre l'Évêché et l'État, lequel constestait depuis deux ou trois siècles à nos évêques la souveraineté, et niait au clergé vallaisan la coétanéité d'un saint Théodule, évêque de Sion, et de Charlemagne, dont la tradition portait que cet évêque avait reçu en don les droits régaliens dans toute l'étendue de son diocèse. Depuis que cette question fut émise, le Chapitre et l'évêque fermèrent hermétiquement l'entrée de ces archives à tout érudit laïc; et d'ailleurs durant les troubles politiques qu'occasionna cette contestation, d'une mésintelligence très caractérisée, on en était venu à une rupture ouverte; et les chefs de l'État s'emportèrent jusqu'à piller les archives épiscopales. Si on ne les ouvrait pas aux gens du pays, pensez si on les ouvrait aux étrangers. Je ne connais que le docte M. Philippe de Torrenté, mort bourgmaître de Sion, qui, à raison de sa modération, et en qualité de chancellier épiscopal et du vénérable Chapitre, y soit pénétré. Il existe de lui plusieurs cartons de notes qu'il a faites sur les titres qu'elles contenaient, mais ces cartons prouvent que ces archives, souvent brûlées, comme l'Histoire en fait foi, ne contenaient alors que fort peu de titres antérieurs au XIIIe s. Car mon premier soin en ouvrant ces portefeuilles a été de vérifier promptement s'ils remontaient plus haut que l'épiscopat de Landri [Landri de Mont], et à mon grand déplaisir, je me suis convaincu que non. Les héritiers de ce docte magistrat, sans doute par motif prudent de ne point compromettre de nouveau l'autorité ecclésiastique avec la séculière, ont pareillement jusqu'ici gardé sous clef ce trésor littéraire, dont moi-même, quoique leur parent, n'ai point encore pu avoir communication. Quant aux archives de Valère, le vénérable <> Chapitre, avant même qu'il m'eût fait l'honneur de me décorer du titre de chanoine, m'en accorda l'entrée par une excessive confiance; et on verra dans le cours de ces Mémoires que j'y ai trouvé de quoi glaner; mais que néanmoins les documents historiques, antérieurement au XIIIe s., y sont ainsi qu'ils l'étaient aux archives épiscopales, en très petite quantité. Et la bonne foi demande de moi que j'avoue qu'en fait de chronique et de catalogue, je n'y ai rien découvert de bien ancien. Je ne doute donc point du tout que dom de L'Isle n'ait composé son Histoire manuscrite des abbés d'Agaune et des évêques de Sion que sur les seuls titres des archives de l'Abbaye.

Encore ces archives étaient-elles en une grande confusion avant que M. Charles, longtemps prieur de cette maison, les eût de notre temps mis en très bon ordre. Au moyen du travail immense qu'il a fait sur ces archives, on pourra désormais, s'il plaît à M. l'Abbé et à son Chapitre, en donner communication, écrire quelque chose d'exact, d'autant plus que ces archives sont mieux fournies de titres antérieurs au XIIIe s. que ne l'étaient certainement celles de l'Évêché, et que ne le sont celles du vénérable Chapitre.

Quant à M. Briguet, il n'a que trop malheureusement mérité le reproche que lui font les bollandistes, tant ici qu'à l'article saint Théodule. Car véritablement il croit avoir tout prouvé suffisamment quand il a cité les annales sacrées de son Église et les catalogues de nos évêques. Mais j'ai déjà dit ce que je pense de son érudition et de sa critique : l'une et l'autre étaient des plus minces; et aux yeux des vrais érudits, il a plus nuit par ses fréquens anachronismes et par son défaut habituel de preuves à la cause dont il avait pris la défense qu'il ne lui a servi, comme on le voit ici et comme on le verra ailleurs.

Il faut cependant observer à sa décharge deux choses, qui ont toujours fait obstacle à tous ceux qui ont entrepris d'écrire l'histoire ecclésiastique et séculière du pays du Vallais [Valais]. L'une, la souveraine incurie de nos devanciers à noter ce qui se passait de leur temps d'important, soit dans l'Église, soit dans l'État; l'autre, que notre capitale, résidence de nos évêques, a été vingt fois saccagée et brûlée. Il en est de même de la petite ville de Saint-Maurice et de sa célèbre Abbaye.

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