TABLE RONDE 1er et 2 juin 2007

BESANÇON

Autour de saint Maurice :
Politique, société et construction identitaire.

 

 

Laurent RIPART :

Processus de réforme canoniale à Saint-Maurice



L’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune offre l’exemple d’un processus particulièrement long et erratique d’introduction de la réforme canoniale, puisqu’il est possible d’en distinguer pas moins de quatre étapes aux XIe et XIIe siècles.

Les premières années du XIe siècle ouvrent une première phase qui se caractérise, d’une part, par la résiliation en 1000-1001 de l’abbatiat laïque des rois rodolphiens et, d’autre part, par la concession d’un très important diplôme de restitution au chapitre donné en 1018 par le roi Rodolphe III. Visant à émanciper, au moins en partie, l’abbaye de la tutelle royale, ces mesures s’inscrivent dans le cadre plus général de la réforme des chapitres canoniaux, qui fut particulièrement vive dans la Bourgogne rodolphienne de la fin du Xe siècle, en raison principalement de l’influence ottonienne. Cette première réforme eut toutefois une conséquence sans doute inattendue, puisqu’elle permit à l’évêque de Sion, première puissance locale dans la région, d’obtenir aux lendemains de la disparition en 1032 de la dynastie rodolphienne l’abbatiat de Saint-Maurice, remettant ainsi en cause tous les efforts que l’abbaye avait déployés aux VIIe et VIIIe siècles pour assurer son exemption de l’ordinaire.

Une deuxième phase, que l’on peut dater du milieu du XIe siècle, se concrétisa par le très important privilège pontifical donné en 1050, sur l’initiative conjointe de Léon IX et d’Henri III, afin de rétablir les anciennes libertés autrefois données à Agaune par une longue série de privilèges pontificaux. Cette réforme visait à restaurer l’exemption de l’abbaye en la plaçant sous protection impériale, au sein de la Reichskirche salienne. Elle fut d’ailleurs suivie par l’élection à l’abbatiat de l’évêque de Lausanne, Burchard d’Oltingen, proche de la cour impériale.

Une troisième phase de réforme peut-être identifiée dans le contexte de la crise que suscita la querelle des investitures. L’abbaye de Saint-Maurice avait été particulièrement touché par les conséquences du conflit entre Grégoire VII et Henri IV, puisque Rodolphe de Rheinfelden était parvenu vers 1076 à s’emparer de l’abbaye, avant qu’il n’en soit chassé par les ancêtres des comtes de Savoie qui accaparèrent alors l’abbatiat. Dans ce contexte de nouvelle sécularisation, une partie du chapitre d’Agaune quitta l’abbaye pour mener à Abondance une vie régulière, selon les principes diffusés par la règle de Saint-Augustin.

La quatrième et dernière phase fut impulsée par l’introduction en 1128 de la règle de Saint-Augustin et la résiliation de l’abbatiat laïque du comte Amédée III de Maurienne-Savoie. L’introduction de la règle augustinienne fut toutefois difficile et ne s’imposa, après une longue phase de cohabitation, plus ou moins conflictuelle, entre chanoines « séculiers » et « réguliers », qu’avec l’arrivée de chanoines venus d’Abondance qui introduisirent, au moins en partie, les coutumes de leur communauté.