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Consortage du mont d’Émaney
(Extrait du « Liber Salvani)
(1er août 1590)
(AASM LIB 0/0/8, f. 21r-23r)
Traduction
par Myriam Friederich
Traité du mont d'Émaney
1591
En l'an de grâce courant mil cinq cent quatre vingt onze,
et le premier jour du mois d'août, nouveau style. Sachant
qu'avec le temps qui passe, et en raison du caractère éphémère
et inconstant de la nature humaine, ce que nos ancêtres ont
établi sur la base de bonnes et sûres considérations
finit un jour par être détourné des dispositions
qu'ils y avaient prises à l'origine, à moins que l'on
y remédie une bonne fois pour toutes par les moyens les plus
appropriés.
C'est donc pour cette raison qu'en présence de moi, notaire
public soussigné, et des témoins souscrits, et en
vue de restaurer et de passer en revue tout ce qui suit, Mgr Adrien
de Riedmatten, révérend père en Christ, et
par la grâce de Dieu abbé élu du vénérable
et pieux couvent de Saint Maurice d'Agaune, ainsi que les prud'hommes
et les consorts du mont d'Émaney dont on va parler furent
spécialement convoqués afin de constater qu'une justice
fiable est rendue quant au droit que lesdits consorts pourraient
avoir d'occuper ledit alpage, et ceci pour établir sans confusion
possible dans quelle mesure c'est au préjudice du monastère
susmentionné que ledit mont d'Émaney se voit investi
par davantage d'animaux chaque année.
1) Tout d'abord, honnête Maurice [Mauritius], fils de feu
François Cergneux [Franciscus du Sergnyouz], métral
de Salvan [Salvani] : un droit qu'en tant qu'unique héritier
il tient de son dit père, qui l'avait lui même reçu
en abergement de feu Mgr Barthélemy Sostion [Bartholomeus
Sostionis], révérend abbé de pieuse mémoire
du prédit monastère, en l'an de grâce mil cinq
cent quarante neuf, et le vingt septième jour du mois de
juin ;
2) Claude [Claudius], fils de feu Claude Veuthey [Claudius Voutey]
: un droit hérité de son dit père, qui avait
été abergataire du même Mgr Sostion, en tant
qu'aîné et propriétaire de la maison paternelle
;
3) François [Franciscus], fils de feu François [Franciscus]
Vianoz, au titre de mari de Jeneta, fille de feu Michel Mathey [Michael
Matex] : en tant que gendre et parce qu'habitant la maison paternelle
de sa dite épouse, unique héritière de son
dit père ;
4) François Bochatay [Franciscus Bochattey], au titre de
mari de Mauritia, fille de feu Anthoine [Anthonius], lui même
fils de Claude Coquoz [Claudius Cocquoz] : de par la succession
dudit Antoine [Antonius], son père, et ledit Anthoine [Anthonius]
de par la succession dudit Claude [Claudius], son père, nommé
dans ledit abergement ; lequel François Bochattey a habité
et habite encore la maison paternelle de sa dite épouse ;
5) Claude [Claudius] Forney : de par l'abergement fait par le
susdit abbé Mgr Adrien d'un droit issu de Maurice Coquoz
[Mauritius Cocquor], nommé dans l'abergement susmentionné
;
6) Maurice [Mauritius] Forney alias de Lex : un droit qu'il a
reçu en abergement de feu Mgr Martin Duplâtre [Martinus
de Plastro], droit qui lui était parvenu en échute
du fait de la mort de Jean [Joannes] Morand. Ce dernier l'avait
acquis définitivement de Claude Gay [Claudius Guex], de Villa,
à Salvan, lui même l'ayant reçu en abergement
de Mgr Duplâtre, dans un acte signé de la main de prudent
Pierre Quartéry [Petrus Quarteri], notaire, en l'an mil cinq
cent soixante quatorze, le vingt deux avril ;
7) Maurice [Mauritius], fils de François Gay [Franciscus
Guex], de Villa, à Salvan, en tant qu'héritier dudit
François [Franciscus], son père : un droit autrefois
abergé à Maurice [Mauritius], fils de feu Antoine
Gay [Antonius Guex], et de là, revenu à Mgr Jean [Joannes]
Miles, vénérable abbé de pieuse mémoire,
réabergé par ce même Mgr Jean Miles au dit François
[Franciscus], père dudit Maurice [Mauritius], reconnaissant
actuel, abergement inaltérable fait audit François
[Franciscus] dans un acte reçu et signé de la main
de feu égrège Guillaume Bérody [Guilliermus
Berodi], notaire, en l'an de grâce mil cinq cent soixante
trois, et le cinquième jour du mois d'avril ;
8) François [Franciscus], fils de feu Claude Coquoz [Claudius
Cocquot], en tant que cohéritier de son dit père :
un droit abergé à Maurice [Mauritius] Lorat, conformément
à l'abergement fait par le susdit Mgr Barthélemy Sostion,
lequel droit ledit Claude [Claudius] a acquis de Maurice [Mauritius],
fils de Maurice [Mauritius] Lorat, comme cela apparaît clairement
dans l'acte d'achat reçu et signé par le notaire susmentionné,
Pierre Quartéry, en l'an de grâce mil cinq cent soixante
dix huit, et le vingt quatrième jour du mois de juin, achat
approuvé par le prédit abbé actuel ;
9) Michel [Michael], fils de Jean [Joannes] Mermet : de par la
donation que lui a faite son dit père ;
10) Claude [Claudius], fils de Pierre [Petrus] Mermet, au nom
de son père, affaibli par son grand âge ;
11) François [Franciscus], fils de Martin Duchoud [Martinus
de Choz], au titre de mari de Mauritia, sa femme, fille aînée
de Michel [Michael] Mermet et instituée héritière
par le testament de son dit père ; lequel François
[Franciscus] a habité et habite encore la maison dudit Michel
[Michael], son beau père ;
12) Michel [Michael], fils de Michel Coquoz [Michael Cocquot],
de la Combaz, ayant acheté son droit à Pierre [Petrus]
Reymond, nommé dans l'abergement de Mgr Sostion [Sostionis],
achat ainsi approuvé par nous en ce jour ;
13) François Michelet [Franciscus Michellet], au titre
de mari de Mauritia, fille de Rolet Claivoz [Roletus Cleyvoz], héritière
et fille aînée dudit Rolet [Roletus], son père
;
14) Claude [Claudius], fils de Claude Coquoz [Claudius Cocquot],
de la Combaz : un droit abergé à son dit père
par le susdit Mgr Sostion ;
15) Georges [Georgius] Gegnier, au titre de tuteur de Maurice
[Mauritius], fils de feu Claude Cheseaux [Claudius Chesaux] et neveu
dudit Georges par lignée féminine : un droit abergé
à Antoine [Antonius], fils de Martin Cheseaux [Martinus Chesaux],
revenu ensuite au seigneur, puis remis audit feu Claude Cheseaux
par Mgr Martin Duplâtre susmentionné ;
16) Maurice [Mauritius], fils de feu Maurice [Mauritius] des Rives,
ce dernier ayant acheté son droit à Martin Duchoud
[Martinus du Choz], achat approuvé par nous en ce jour ;
17) Claude [Claudius], fils de Michel Coquoz [Michael Cocquoz],
au titre de mari de Jeneta, fille d'Anthoine Duchoud [Anthonius
de Choz], sa femme : un droit abergé par le susdit Mgr Sostion
à François [Franciscus], fils de Jean Duchoud [Joannes
Duchoz], revenu à Mgr Duplâtre susmentionné
à la mort de Maurice [Mauritius], fils d'Antoine Duchoud
[Antonius Duchoz], et auparavant à la mort dudit François
[Franciscus], et de là réabergé à ladite
Jeneta par le susdit abbé Mgr Duplâtre ;
18) Georges [Georgius] Gegnier : le droit de Mauritia, fille d'Antoine
[Antonius] Martin et veuve de feu Maurice [Mauritius] Forney, droit
échu ensuite à Antoine [Antonius], fils dudit Maurice
[Mauritius], puis revenu au prénommé Mgr Martin Duplâtre
et finalement réabergé définitivement audit
Gegnier, abergement reçu et signé par le même
Pierre Quartéry [Petrus Quarteri], notaire susmentionné,
en l'an de grâce mil cinq cent quatre vingt quatre, et le
vingt septième jour du mois de mars ;
19) Pierre [Petrus] des Rives : un droit abergé à
sa mère Pernette [Perneta] ;
20) Maurice [Mauritius], fils de Jean Délez [Joannes des
Lex] : un droit à lui abergé par nous, abergement
inaltérable confirmé par notre sceau, reçu
et signé par les notaires égrèges Jean [Joannes]
Brilem et Claude Volut [Claudius Volluti], en l'an de grâce
mil cinq cent quatre vingt dix, et le treizième jour du mois
d'août ;
21) Georges [Georgius] Jognier : un droit supplémentaire
à lui accordé par le susdit Mgr Martin Duplâtre
;
22) Georges [Georgius], fils de Georges Mottier [Georgius Moctier]
;
23) Pierre [Petrus], fils de Maurice Coquoz [Mauritius Cocquot]
;
24) Georges Gay [Georgius Guex].
Les droits spécifiés ci dessus furent accordés
par le susdit vénérable abbé Mgr Adrien [Adrianus]
à chacun desdits consorts : il les leur reconnut et garantit
; il les admit en leur faveur.
Le prénommé vénérable seigneur abbé,
en son nom susmentionné, ainsi que les prédits consorts,
également au nom des personnes pour lesquels ils agissent
en accord les uns avec les autres, pour eux mêmes, leurs futurs
héritiers et l'ensemble de leurs successeurs, et après
vérification, approbation, acceptation et reconnaissance
des droits susdits de tous les consorts susnommés ont fermement
confirmé le suscrit acte d'abergement de feu Mgr Barthélemy
Sostion [Bartholomeus Sostionis], abbé élu de pieuse
mémoire, acte corroboré par la présence tant
de son sceau que de celui de son vénérable chapitre,
et ce dans toutes ses clauses, conditions, articles et passages,en
même temps que les dispositions prises jusqu'ici quant à
leur alpage, en mettant cependant en premier leurs décisions
de ce jour agréées tant par le prédit vénérable
seigneur abbé que par tous lesdits consorts, et basées
sur des déclarations survenues, faites et associées
visant à éviter qu'à l'avenir ledit alpage
soit surchargé d'animaux, quels qu'ils soient, tout en respectant
évidemment le contenu de l'abergement susmentionné
de Mgr Sostion.
S'il arrivait à l'avenir qu'une personne femme ou homme
n'ayant ni droit ni titre sur ledit alpage se marie avec quelqu'un
ayant droit et titre sur ce même alpage, tenant et possédant
ce droit, ainsi que le truncus d'où un tel droit procède
et provient, et que les époux en question s'installent dans
la maison d'où est issu le droit susmentionné, que
de tels époux puissent alors et que cela leur soit permis
emmener tout leur bétail paître sur ledit alpage ;
au contraire, les époux qui ne rempliraient pas les conditions
suscrites, pourront inalper seulement le nombre d'animaux que l’un
des conjoints – celui qui a droit audit alpage, mais n'habite
pas la maison d'où découle le droit en question -
peut hiverner hors de ses biens. Parce que tous les consorts prénommés,
en un vote unanime, [ont] confirmé que c'était ainsi,
comme décrit ci dessus, que l'on en usait autrefois entre
consorts Et ceci sous peine de confiscation du droit au susdit alpage
à l'encontre de la personne contrevenant à ce qui
a été proclamé, pour autant qu'elle n'ait pas
été victime de la mauvaise foi de quelqu'un. Par ailleurs,
que le nombre des consorts de ce même alpage ne doive nullement
et ne puisse de quelque façon que ce soit être augmenté,
développé ou accru, ni par le susnommé vénérable
seigneur abbé moderne, ou l'un de ses successeurs, ni par
les consorts en question, actuels ou à venir. Enfin, qu'aucun
des consorts ne doive ou puisse à l'avenir vendre ou aliéner
de quelque manière que ce soit son droit sur ledit alpage,
sans le consentement et l'accord du prédit vénérable
seigneur abbé et des consorts, car ainsi en a t il été
conclu.
Lesdits seigneur abbé et consorts promettant en outre pour
eux mêmes et les leurs, et au nom des personnes susmentionnées
; à savoir le prédit seigneur abbé, par sa
bonne foi et sous l'engagement de sa religion, en se posant la main
sur la poitrine à la manière des prélats, et
les consorts, en prêtant serment la main levée, chacun
à leur tour de considérer les choses suscrites, toutes
et chacune en particulier, comme valables, acceptées, durables
et solides, de toujours les respecter strictement, telles qu'exprimées
ci dessus, en n'agissant jamais contre elles ni eux mêmes,
ni par l'intermédiaire d'autrui, ni ouvertement, ni en cachette
et pour finir, toute renonciation à ce sujet ayant été
faite par les prénommés abbé et consorts.
Les susdites choses furent faites dans le petit poêle de
la maison abbatiale dudit monastère de Saint Maurice d'Agaune.
En présence de dom Henri de Macognin [Henricus de Macognino],
vénérable chanoine de ce même monastère,
ainsi que d'égrège Jean [Joannes] Brinlem, notaire
de Brigue et familier du prédit seigneur abbé, appelés
et sollicités comme témoins pour les faits susmentionnés.
Les prénommées parties prescrivant et demandant qu'il
soit établi autant d'actes que m'en demanderont ceux qui
en auront besoin.
Et c'est moi, Jacques Bérody [Jacobus Berodi] l'aîné,
bourgeois de Saint Maurice d'Agaune, diocèse de Sion, notaire
public par autorité impériale et juré de toutes
les cours du vénérable évêque de Sion,
qui une fois requis ai reçu toutes les choses susmentionnées
comme elles sont décrites ci dessus ; et les ai fait transcrire
soigneusement et mettre au propre dans cette forme officielle de
la main d'un notaire et d'un autre notaire ; et ai signé
de ma propre main ; et ai mis fidèlement mon seing,, le grand
que j'utilise en de telles occasions, en témoignage de la
force et de la vérité de toutes les choses suscrites
et de chacune en particulier.
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